"Depuis l’origine, la Société française de photographie (SFP) organise des expositions, publiant souvent des catalogues. Ce fût le cas en 1855, un an après la création de l’association en 1854 à Paris par un groupe de photographes expérimentateurs passionnés. À la fin du XIXe siècle, l’internationalisme est de mise, que ce soit à travers les revues qui ont pour la plupart des rapporteurs internationaux qu’à travers les expositions qui ne s’organisent plus seulement à l’échelle nationale. Au début du XXe siècle, le premier Salon International d’Art Photographique marque le début d’une dynamique d’expositions itinérantes entre différents pays. Un demi siècle plus tard, après l’organisation du dernier Salon en 1953, la SFP se lance dans la programmation de deux types de manifestations : des expositions rétrospectives (à partir de sa collection historique) et des expositions thématiques impliquant les contributions de photo-clubs du monde entier. C’est dans ce contexte qu’ont été exposées et échangées les photographies présentées dans l’exposition «Brésil-France-Brésil». Dans les années 1950, le Brésil est en pleine explosion urbanistique, São Paulo est bouleversée par les changements architecturaux que les photographes saisissent en intégrant des personnages ou en jouant sur les effets d’abstractions provoqués par des cadrages tranchant sur les masses architecturales. La modernité est aussi exaltée à travers les motifs végétaux qui témoignent d’un attachement profond à la terre et à l’environnement. Les restitutions élaborées de gammes de gris des tirages d’argent et les jeux de contrastes entre les noirs et les blancs affirment le goût brésilien pour l’expérimentation et l’abstraction photographique. Ces images sont caractéristiques de celles produites au sein du réseau brésilien de photo-clubs actifs à partir de 1945. Entre la fondation du Foto Cine Clube Bandeirante à São Paulo en 1939, de la Sociedade Fluminense de Fotografia à Niterói en 1944 et de l’Associação Brasileira de Arte Fotográfica à Rio de Janeiro en 1951, un important circuit de production et d’échanges d’images photographiques a été mis en place au Brésil. Au-delà de l’organisation d’expositions, ces associations sont aussi à l’origine de publications spécialisées ayant influencé toute une génération de photographes. Issues d’une période marquée par la diversité des tendances esthétiques et techniques, ces images ont joué un rôle de premier plan dans la reconnaissance de la photographie comme art au Brésil. Thomaz Farkas, photographe né à Budapest et arrivé à l’âge de 7 ans au Brésil, était membre du Foto Clube de São Paulo depuis ses 15 ans : il sera le premier photographe à avoir une exposition individuelle au Musée d’Art de São Paulo en 1949. De son côté, la photographie intitulée « Na janela » est l’une des dernières images exposée par Geraldo de Barros qui, à partir de 1951 et après son séjour à Paris, s’oriente définitivement vers la gravure et le graphisme. Les membres de l’Associação Brasileira de Arte Fotográfica sont les photographes brésiliens les plus primés de la période. Choisi à plusieurs reprises au Photograms of the Year de la Royal Photographic Society d’Angleterre, l’entomologue José Oiticica Filho a développé plusieurs séries de photographies expérimentales, abstraites et géométriques. Tout au long des années 1960, les photographies de Oiticica Filho serviront de références pour les artistes du mouvement Neocontreto brésilien dont le chef de file est justement son fils Hélio Oiticica. Produites au Brésil, entre Rio et São Paulo, et présentées en France et ailleurs (à la SFP et dans d’autres photo-clubs du monde), ces images ont toutes en commun d’avoir circulé. Au verso des documents, la trace de ces mouvements est lisible dans l’accumulation de documents, récompenses, prix collés et accumulés aux dos des tirages. Primée à maintes reprises, l’image de Sergio Trevellin intitulée «Paz» offre l’un des versos les plus décorés. Ces versos sont révélateurs de la pratique alors très en vogue des photo-clubs : les amateurs, dont beaucoup sont devenus professionnels ou artistes, photographient et réalisent leurs propres tirages en laboratoire puis les exposent et les partagent à travers un réseau puissant de structures à l’international. Aujourd’hui, la photographie numérique est associée à l’idée d’«image partagée» comme l’a joliment écrit le chercheur André Gunthert. Ces images de photo-clubs des années cinquante nous rappellent que cette culture de l’image partagée, tout en s’étant énormément accélérée avec le numérique, était déjà bien ancrée dans les pratiques analogiques dites « amateurs »." Luce Lebart (directrice des collections de la Société française de photographie) et Lucas Mendes Menezes (doctorant, Université Paris I) |
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A propos de la Chambre claire – Galerie de la Présidence :
« Si le peintre part de la toile blanche et construit une image, le photographe part du désordre du monde et sélectionne une image. »
Stephen Shore, Leçon de photographie, 2007
Au fil de l’année universitaire, la galerie La Chambre claire offre à un large public la possibilité de se forger une connaissance sur la photographie en jouant sur le dialogue entre collections patrimoniales et production contemporaine. Par le biais de partenariats institutionnels ou d’invitations à des photographes contemporains, à des chercheurs et à des responsables de collections, les expositions proposent d’aborder l’histoire des pratiques et des formes photographiques du XIXe siècle à aujourd’hui.
Presse :