Parution Études Photographiques n°26

Études Photographiques n°26 est désormais disponible en librairie ou par abonnement.
Les notes de lectures sont d'ores et déjà publiées sur le site web de la revue.

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sommaire et résumés





Thierry Gervais, « Le plus grand des photographes de guerre ». Jimmy Hare, photoreporter au tournant du XIXe et du XXe siècle
À la fin du XIXe siècle, les paramètres techniques, économiques et culturels sont réunis pour que les éditeurs de presse adoptent la photographie comme vecteur principal de l’information visuelle. Dans ce cadre, les « reporters photographes » apparaissent et se multiplient, proposant aux journaux des séries de photographies couvrant des actualités diverses. L’analyse des photographies de guerre de Jimmy Hare nous éclaire sur ce nouvel acteur du journalisme qu’est le photoreporter, mais également sur l’exploitation de ses images par les éditeurs de presse américains et français. Car si le tandem photographie/ similigravure donne aux images reproduites dans la presse une plus-value authentique, il n’en pose pas moins des problèmes de représentation qui demandent aux éditeurs et directeurs artistiques de justifier leur usage, en valorisant le caractère héroïque de la pratique du photographe, en exploitant les ressources de la mise en page et en proposant un nouveau régime d’illustration. Cette histoire des premiers photoreporters invite par ailleurs à revoir la chronologie généralement proposée à ce sujet dans les histoires générales de la photographie.

Jason E. Hill, De l’efficacité de l’artifice. PM, radiophoto et le discours journalistique sur l’objectivité photographique
En juin 1940, le tabloïd progressiste newyorkais PM publie une image du front germano-soviétique récemment transmise par radio de Moscou à New York. Les conditions de communications à travers le territoire européen en temps de guerre et la technologie de la radiophotographie encore tâtonnante au moment de la transmission confèrent à cette image un caractère hybride, résultat d’une prise de vue photographique et de la main du retoucheur. En exploitant l’indétermination même du médium, PM fait de cette image l’un des arguments de son vaste projet de remise en cause du discours journalistique sur l’objectivité photographique qui, souvent suspect, prévaut alors dans la presse. Le tabloïd ne montre pas cette radiophotographie à titre de reportage objectif, mais plutôt comme un stratagème de plus dans la course à la crédibilité qui anime le photojournalisme durant cette période de conflit.

Will Straw, Stratégies formelles de la photographie d’actualité criminelle
Cet article traite d’un genre de périodiques américains appelés true crime magazine pendant les années 1940 et 1950, à l’apogée de leur succès. Alors qu’ils déclarent rendre compte des crimes dans un style photojournalistique, ces magazines développent de nombreuses stratégies pour donner à leurs images un aspect dynamique et sensationnel. Ils exploitent notamment des photographies de studio mettant en scène des personnages, la composition d’images dans des mises en pages inventives, ainsi que des illustrations sans aucun rapport avec la photographie.

Joachim Schmid, O Campo
Joachim Schmid vit à Berlin. Il travaille avec des photographies recyclées depuis le début des années 1980. En 1990, il a fondé le “Institut zur Wiederaufbereitung von Altfotos” (Institut pour recyclage des photographies anciennes). Son oeuvre a été présentée dans de nombreuses expositions collectives et individuelles. Parmi ses publications, citons Erste allgemeine Altfotosammlung (Edition Fricke & Schmid, 1991), Bilder von der Strasse (Edition Fricke & Schmid, 1994), Very Miscellaneous (PhotoWorks, 1997), Sinterklaas ziet alles (Nederlands Foto Instituut, 1998), A meeting on holiday (Neroc’VGM en collaboration avec KesselsKramer, 2003), Belo Horizonte, Praça Rui Barbosa (publié à compte d’auteur, 2004) et Photoworks 1982-2007 (Steidl, 2007). Ses travaux font partie de nombreuses collections telles que celle la Bibliothèque nationale de France, le Daelim Contemporary Art Museum (Séoul), le Fonds national d’art contemporain, la Maison européenne de la photographie, le Museo de Arte Contemporánea (Vigo), le Museum Folkwang (Essen), le Nederlands Fotomuseum (Rotterdam), le San Francisco Museum of Modern Art et le Stedelijk Museum (Amsterdam).

Vanessa R. Schwartz, Grand angle sur la plage. Les origines du paparazzi et le festival de Cannes
Cet article traite de l’émergence de la photographie paparazzi au festival du film de Cannes dans les années 1950 et 1960 et soutient que l’accès unique et spontané aux célébrités offert par le festival est finalement devenu le fonds de commerce de ce type de photojournalisme. Il établit aussi une relation explicite entre ce style photographique et l’émergence de la nouvelle vague dans le champ cinématographique. Si la photographie glamour d’autrefois, produite dans l’atmosphère très sophistiquée des studios, entretenait une forme d’artifice, le « style naturel » de la nouvelle vague correspond et renforce à la fois la culture paparazzi.

Audrey Leblanc, La couleur de Mai 1968. Paris Match face aux événements de mai et juin 1968
Mi-mai 1968, le syndicat du livre auquel sont affiliés la plupart des ouvriers de l’imprimerie et des industries du papier rejoint le mouvement général. Les grèves affectent alors directement la presse magazine d’actualité de l’époque, en particulier Paris Match qui ne paraît pas pendant quatre semaines consécutives. Quand le plus important hebdomadaire d’actualité d’alors reparaît, il revient sur des événements datant pour certains d’un mois. La rédaction construit, dès le 15 juin, un récit rétrospectif de « Mai 68 » dans un numéro qui propose une lecture historicisante des événements du printemps, alors que certains mouvements se poursuivent. Porté par un traitement formel inhabituel pour le magazine, pour partie contraint par les perturbations liées aux grèves des imprimeries, cette médiatisation des événements permet de percevoir le travail d’élaboration d’ensemble du numéro. Elle met ainsi en lumière comment les intentions éditoriales et idéologiques de la rédaction du magazine s’expriment à travers le récit proposé des événements, porté par les choix formels avec lesquels il s’imbrique en un dispositif médiatique global : la forme magazine.

Vincent Lavoie, La rectitude photojournalistique. Codes de déontologie, éthique et définition morale de l’image de presse
Fer de lance des pratiques photographiques de la véracité, le photojournalisme est depuis toujours l’objet de discours de légitimation éthique. À quoi cette fragilité éthique du photojournalisme tient-elle ? Quelle définition du photojournalisme la déontologie construit-elle ? Par l’examen de la genèse et du développement des codes de déontologie, cet article propose d’analyser certains des moments les plus déterminants de la construction éthique du photojournalisme. L’objectif est ici de jeter les bases d’une histoire morale de la photographie de presse, qu’il faudrait mettre aux côtés de toutes les autres (esthétiques, sociales, institutionnelles, culturelles) également constitutives de l’identité complexe du photojournalisme. Les recherches actuelles consacrées à l’esthétique, à l’histoire ou à la sémiotique de l’illustration photographique le démontrent : le photojournalisme est une catégorie fondamentalement instable et constamment reconfigurée par les discours. L’éthique de l’image de presse s’inscrit dans la perspective de ces reconfigurations historiques.