Le calotype anglais privé de magie

Pour qui compte découvrir le mystère et la beauté du calotype britannique avec l'exposition intitulée L'image révélée ouverte aujourd'hui au musée d'Orsay (jusqu'au 7 septembre), le risque est grand d'être déçu. L'aréopage du commissariat a pourtant de quoi impressionner, avec pas moins de quatre éminents collègues, anglais, américains et français, des collections prestigieuses (Edimburg, Metropolitan, Bradford et aussi Société française de photographie...) et au-delà de Talbot, Fenton, Hill et Adamson, de vraies découvertes telles que William Collie ou Arthur James Melhuish. Alors d'où vient cette impression que le rapport à l'original ne correspond pas tout à fait à la représentation que l'on s'en fait au travers des livres et des sites internet ?

On l'a compris, il ne s'agit pas ici d'un problème de compétences (le catalogue complète fort bien l'exposition), mais d'une attente déçue. L'impatience de visiter une exposition co-organisée par le Metropolitan et la National Gallery de Washington sur un tel sujet promettait pour le moins une surprise : le sujet est central pour toute l'historiographie de la photographie, il permet d'exploiter les années d'étude passées sur l'œuvre de Talbot mais aussi de Fenton, il formait aussi une réponse à l'imposante exposition sur le daguerréotype français de 2003 au musée d'Orsay en attendant le projet de la Bibliothèque nationale de France sur les calotypiste français. Mais l'on ne visite que trois salles de tailles fort modestes, d'une scénographie volontairement austère (pourquoi pas), des images alignées par auteurs. Certes, ces images sont rares, parfois invisibles depuis plus d'un siècle mais l'argument ne touche-t-il pas les seuls experts ? Disons-le, cette exposition n'est pas à la dimension de son sujet. Voit-on ici une version réduite d'une manifestation plus ambitieuse ? Après tout peu importe, car ce sont aussi les images - et la chose est inquiétante à moins de n'être que le résultat d'une sensibilité émoussée (la mienne) - qui m'ont semblé sans magie. Comment est-ce possible ? Mon attachement à Hill et Adamson par exemple, comment ai-je pu être déçu...les teintes m'ont pourtant semblé uniformément bistres, les profondeurs enterrées dans le papier. Je reconnaissais bien le style, les formes, les attitudes mais je ne ressentais pas la présence des personnages, l'indolence si touchante des visages féminins. Je commençais même à me demander si je n'aimais pas, au fond de moi-même, un peu plus l'image daguerrienne...

L'excellente surprise du musée d'Orsay tient alors dans le fait de pouvoir descendre un étage pour parcourir l'exposition consacrée au daguerréotype français, car oui, le musée n'a pas hésité à rejouer l'image sur métal comme pour offrir le contraste des deux grands procédés des origines aux visiteurs. Et ça marche très bien : non seulement on découvre de nouvelles acquisitions mais, disons-le aussi, une exposition plus généreuse, plus ample malgré son côté très classique et qui déborde de vie. Il suffit de se plonger dans les regards des enfants soumis pourtant aux contraintes de la pose, d'observer le détails des premiers bateaux à vapeurs, de scruter les plans de Viollet-Le-Duc ou bien encore de discerner dans les flous de bougé l'action des révolutionnaires de 1848 et l'œil perçant de Dumas pour se rendre compte qu'un souffle de vie passe d'une image l'autre.

Moi qui tenais pour mortifaire les daguerréotypes (et la précédente exposition du musée d'Orsay ne m'avait pas fait une autre impression), je me rends compte que cette iconographie d'une infinie variété ouvre plus l'esprit que les tableautins victoriens. On nous rappelle volontiers que le calotype anglais a été pratiqué par des aristocrates, ils nous montrent donc leurs domaines, leurs distractions, leur culture. Pour avoir consacré quelque effort à comprendre l'importance des tableaux vivants dans la culture photographique, je n'ignore rien des enjeux esthétiques de ces images. Mais on peut se demander si le choix esthétique des commissaires n'a pas forcé le trait en privilégiant une iconographie et surtout un style qui semblent à mille lieux de nous. C'est très étrange, car je suis persuadé que Talbot et Jeff Wall ont des choses à se dire, mais dans cette exposition, mon esprit n'a effectué aucun raccourci, de ces raccourcis stimulants auquel le musée d'Orsay nous a habitué avec ses faces-faces entre le XIXe siècle et nos contemporains. Comme jamais, j'ai eu le sentiment dans cette exposition que l'histoire de la photographie se figeait.

Commissariat : Roger Taylor, professeur d'histoire de la photographie, Université de Montfort, Leicester ; Malcolm Daniel, conservateur en chef pour la photographie au Metropolitan Museum of Art de New York ; Sarah Greenough, conservateur en chef pour la photographie à la National Gallery of Art de Washington Pour le musée d'Orsay : Dominique de Font-Réaulx, conservateur au musée du Louvre, assistée de Joëlle Bolloch, chargée d'études documentaires au musée d'Orsay.

Exposition organisée par la National Gallery of Art, Washington, et le Metropolitan Museum of Art, New York, en association avec le musée d'Orsay

Illustration : Benjamin Brecknell Turner Crystal palace, Hyde Park, détail © The Metropolitan Museum of Art, New York

Commentaires

1. Le lundi 2 juin 2008, 11:44 par pender

mossieur Poivert.

C'est quoi que c'est un aéropage ? Un jeune garçon qui sert à boire dans un aéroport ?