Rencontres d'Arles 2014 : Gimpel et sa drôle de guerre

Rencontres d'Arles 2014 : Gimpel et sa drôle de guerre

Le Point.fr  Publié le 10 juillet 2014 à 06/14

En 1915, Léon Gimpel met
en scène des enfants qui jouent à la guerre dans les rues de Paris. Un petit théâtre vibrant de vie.

Léon Gimpel, La guerre chez les gosses : exécution d'un boche... au moyen d'une pièce de 75 ! Paris, 29 août 1915. Plaque de projection. (Avec l'aimable autorisation de la Société française de photographie (SFP).)
Léon Gimpel, La guerre chez les gosses : exécution d'un boche... au moyen d'une pièce de 75 ! Paris, 29 août 1915. Plaque de projection. (Avec l'aimable autorisation de la Société française de photographie (SFP).) © Rencontres Arles

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1915, le pays est en guerre. Léon Gimpel, photographe vedette de L'Illustration, se balade dans le quartier du Sentier à Paris et rencontre des gosses qui traînent rue Greneta. Cet audacieux pionnier du photoreportage (en 1910, il a grimpé tout en haut de Notre-Dame pour photographier la foule sortant de la cathédrale !) a l'idée de proposer aux enfants de... jouer à la guerre, pour de vrai, devant son appareil. Quelle bonne idée pour les occuper le dimanche, pensent les parents ! Dans un même élan, les mères acceptent de confectionner les costumes des petits soldats... allemands et français.

"Gimpel décide de représenter des scènes de combat établissant une typologie de la Grande Guerre : les tranchées, le repas, les infirmiers, la médaille, l'aviateur triomphal, explique Luce Lebart, directrice des collections de la Société française de photographie, à qui le photographe a légué son fonds d'images et le manuscrit qui consigne soigneusement ses prises de vue. Il réalisait deux séries de photographies : l'une en autochrome, le procédé inventé par les frères Lumière, dont Gimpel était très proche, et une autre en noir et blanc."

Les enfants et leur "metteur en scène" fabriquent des canons, des avions, cousent des drapeaux, repèrent les rues en travaux, cherchent les palissades. Chaque coin de rue devient un décor possible.

Enfants de la patrie

"S'il y a bien des fusillés et des blessés dans ce petit théâtre de la guerre, ajoute Luce Lebart, les morts, eux, sont absents. Gimpel et l'armée de la rue Greneta ne miment pas la mort, mais l'héroïsme, le courage et la victoire des enfants de la patrie." Parmi ces gamins, âgés de 5 à 12 ans, Pépéte, leur mascotte, un petit gars né pour le théâtre, affligé d'une scoliose très déformante... Tout le monde s'amuse bien, mais L'Illustration ne trouve pas le sujet assez sérieux pour le mettre dans ses pages. Lecture pour tous ne publie que neuf images. Heureusement, les frères Lumière offrent la vitrine de leur boutique, rue de Rivoli, pour exposer les agrandissements en noir et blanc. Et, bien sûr, Gimpel emmène tout son petit monde s'admirer...

Le musée d'Orsay lui a consacré une exposition en 2008, mais l'oeuvre de Gimpel est peu diffusée, car difficilement exposable : toutes les photographies sur verre sont lourdes à transporter et le procédé autochrome est fragilisé par sa sensibilité extrême à la lumière. Pour Arles, Luce Lebart a réussi à présenter la série complète, chaque photographie ayant fait l'objet d'une légende soigneusement rédigée par le photographe, comme s'il était en reportage.

 ©  Rencontres Arles

Léon Gimpel, "La guerre des gosses", à l'église des Frères Prêcheurs du 7 juillet au 31 août. Toutes les informations sur le site Internet des Rencontres.

http://www.lepoint.fr/culture/rencontres-d-arles-2014-gimpel-et-sa-drole-de-guerre-10-07-2014-1844895_3.php

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