Entre le 5 juin et le 28 juillet 2013, le Noyé d' Hippolyte Bayard a côtoyé un tout aussi iconique autoportrait de Cindy Sherman. Ces deux célébrités se sont retrouvées sur les cimaises du Centre de la photographie de Genève, dans l'exposition centrale des 50JPG, fALSEfAKES – VRAIFAUXSEMBLANTS.

L'expo qui réunissait plus de 70 artistes venant de tous les horizons, tels Jeff Wall ou Cindy Sherman,  s'est terminée le 28 juillet 2013 dernier. Notre célèbre noyé revient bientôt pour réintégrer les réserves tempérée de la SFP, à Paris.

Merci à Sébastien Leseigneur, merci à Joerg Bader, commissaire de l’exposition pour avoir offert au vieux Noyé de Bayard cette aventure ravigorante.

L’exposition centrale des 50JPG, fALSEfAKES – VRAIFAUXSEMBLANTS, interroge la qualité documentaire de la photographie. Il est certain que nous partageons la conviction que la production d’images optiques fonctionne toujours comme témoignage de notre monde tangible. Cette croyance du XIXe siècle, scientifique et positiviste, est ébranlée dans les sociétés capitalistes contemporaines par la déréalisation de nos vies et la spectacularisation de l’information. Et les artistes y participent en renversant les codes photographiques, tels Jeff Wall ou Cindy Sherman.
Elle réunit plus de 70 artistes venant de tous les horizons et se tient au Centre de la Photographie Genève (CPG) – Bâtiment d’art contemporain.

Avec la participation de :

Vlado Alonso, Ariane Arlotti, Eric Baudelaire, Hippolyte Bayard, Emmanuelle Bayart, Valérie Belin, Beltracchi, Mathieu Bernard-Reymond, Mohamed Bourouissa, Fernando Brito, Matthias Bruggmann, Victor Burgin, Asger Carlsen, Julien Chatelin, Vincent Debanne, diezelle, Stan Douglas, Philippe Dudouit, George Dupin, Philippe Durand, Pierre de Fenoÿl, Harald Fernagu, Vincent Fournier, Michel François , Serge Fruehauf , Agnès Geoffray, Régis Golay, Paul Graham, G.R.A.M., Lourdes Grobet, Nadja Groux, Beate Gütschow, Anne Hardy, Benjamin Hugard, Guillaume Janot, Shai Kremer, Angèle Laissue, Miguel Leache, Sébastien Leseigneur, Jérôme Leuba, Sherrie Levine, Sylvère Lotringer, Patrice Loubon, Christian Lutz, Mirko Martin, Mass, Bjørn Melhus, Olivier Menanteau, Enrique Metinides, Gian Paolo Minelli, Francis Morandini, Gianni Motti, Uriel Orlow, Virginie Otth et Nicolas Lieber
Marco Poloni, Aurélie Pétrel, Sheng Qi, Koka Ramishvili, Jean Revillard, Reynold Reynolds, Andrea Robbins et Max Becher, Juliette Russbach, Gilles Saussier, Christian Schwager, Bruno Serralongue, Cindy Sherman, Björn Siebert, Sebastián Skira, Jules Spinatsch, Clare Strand, Hiroshi Sugimoto, Sabine Tholen, Peter Tillessen, Catherine Val, Gilles Verneret, Jeff Wall, Martin Widmer, Akram Zaatari


Centre de la photographie Genève
Bâtiment d’art contemporain
28, rue des Bains
1205 Genève
ma-di 11h-18h

La publication de l’exposition fALSEfAKES – VRAIFAUXSEMBLANTS a été présentée le mercredi 19 juin lors de l'événement OPEN SHOW SWITZERLAND au BAC (18h30-21h).

Guide volante présente dans l'exposition du mercredi au dimanche

Visites commentées également organisées sur demande.
Réservations au +41 (0)22 329 28 35

"L’exposition fALSEfAKES – VRAIFAUXSEMBLANTS interroge la portée documentaire de la photographie. Il est certain que – producteurs et consommateurs confondus de photographie nous partageons la conviction que la production d’images au moyen d’appareils optiques fonctionne toujours comme témoignage.

La photographie est auréolée jusqu’à aujourd’hui d’une réputation de fournisseur de preuves irréfutable, tant que la croyance en son pouvoir de témoignage perdure. Apparue au 19e siècle, elle prend du crédit au service des sciences, comme par exemple de l’histoire, de l’histoire de l’art, de l’anthropologie ou de la sociologie, mais également au près des sciences naturelles, spécialement dans le sillon du positivisme (né au même moment que la photographie), où la connaissance des faits réels vérifiés par l’expérience peuvent expliquer les phénomènes du monde sensible.

Dans nos sociétés contemporaines, nous assistons à une telle déréalisation de la vie humaine, que différencier vrai et simulacre du réel, trace documentaire ou mise en scène, s’avère de plus en plus difficile. Il est indiscutable que les images fixes et en mouvement sont partie prenante de cette grande confusion, étant favorisées dans notre économie ultralibérale par une perception du monde spectaculaire.

Un changement déterminant s’est produit, il y a onze ans, quand un président des Etats-Unis a déclaré la guerre à un autre pays en se basant sur des preuves falsifiées, dont des photographies.
Devant la recrudescence de simulacres dans nos sociétés contemporaine, la question se pose : à qui sert le faux? Il sert à la spectacularisation de la marchandise et à son support idéologique, la grande majorité des masses médias. Il sert aussi à l’appareil militaro/industriel, mais il sert aussi les artistes qui, depuis la naissance de l’art tel qu’il est défini à la Renaissance, ne cessent de se servir du faux pour dire vrai.

Le malaise dépasse de beaucoup le syndrome « 11 septembre 2001 » – dont on disait souvent qu’il était « plus vrai que nature » – si l’on considère que la société marchande ne peut se réaliser que dans la spectacularisation de tous les aspects de la vie et que le faux est un moment du vrai. Une fois admis le fait que nos vies sont soumises au règne de la marchandise, voire du simulacre - allant de la culture à l’amour en passant par la santé et l’information, dans lesquelles tout devient une série tv avec le « story telling » - on arrive au point où les termes de « vrai » et de « faux » sont renvoyés dos-à-dos et vidés de leur sens.

Ainsi la notion de documentaire, jeune de moins d’un siècle, n’a jamais été célébrée autant qu’aujourd’hui autant au cinéma qu’en photographie. Et pourtant, le documentaire en photographie devient de plus en plus une forme vide. La notion de « document photographique » est mise en doute par les artistes depuis la fin des années 70, début 80. À cette époque, Cindy Sherman et Jeff Wall changeaient radicalement les codes d’authenticité, propres à toute photographie prétendant à «documenter ».

Le terme « Document » signifie dans sa racine latine, « ce qui sert à instruire ». Plus loin on lit dans le Petit Robert, pour l’emploie contemporain du mot : « écrit, servant de preuve ou de renseignement ». C’est la notion de preuve qui auréole le document photographique depuis ses débuts, quand l’un de ses inventeurs, Henry Fox Talbot, éditait le premier album photographique avec le titre fort parlant : « Pencil of Nature » (« Crayon de la Nature »). Comme si la nature elle même pouvait se représenter. Bien évidemment, il fallait un sérieux coup de main humain, pour que des rayons de lumière s’inscrivent sur des surfaces photosensibles.

Il est intéressant de noter que c’est dans la seconde moitié du 19e siècle que la photographie est devenue l’un des principaux supports de l’art médiumnique. Dans cette pratique, les images ne sont plus faites par des personnes qui s’en attribuent directement la parenté, mais qui se considèrent comme des intermédiaires à travers lesquels s’expriment des forces ou des esprits. Ce courant de la photographie dix-neuvièmiste peut être considéré comme la face cachée de la photographie en tant que servante de preuves pour les sciences, auréolée d’une réputation d’authenticité qui force la croyance.

C’est ces croyances que nous voulons questionner avec fALSEfAKES – VRAIFAUXSEMBLANTS. L’argument le plus commun consiste à dire que Photoshop a ouvert toutes les vannes à la falsification de la photographique. Mais la photographie a été manipulée depuis ses débuts, Manipulated Photography Before Digital Age, qui a fermé ses portes fin janvier 2013 au Metropolitan Museum N.Y., vient de le rappeler magistralement.

L’intérêt accru pour les archives photographiques ces dernières années va de pair avec une mystification par des supports analogues, parce qu’on les considère comme plus authentiques que le numérique à un moment où précisément la production d’images digitales se multiplie à une vitesse incontrôlable, sans que nous sachions comment nous pourrons les conserver dans 50 ans.

Photoshop n’est pas une menace pour l’expression des vérités, ni aujourd’hui ni demain. Mais peut-être après-demain. Nous entretenons un rapport de confiance avec les images que nous absorbons en masse chaque jour. L’organisation sociale et culturelle de nos sociétés s’appuie sur ces codes et sans eux, plus grand chose ne fonctionnerait. Cette croyance peut se corrompre sur internet et dans des réseaux sociaux, à un niveau du user/diffuseur individuel, mais pas à dans un cadre de communication « institutionnalisé » !

Ce qui corrompt notre vision du monde, notre perception du monde sensible, émane plutôt des simulacres de toutes sortes auxquels nous sommes confrontés tous les jours : les villes construites à l’ancienne, les arômes alimentaires qui ne proviennent plus d’une matière première, les promesses d’une vie heureuse à condition d’avoir les moyens de consommer, etc. Quand une compagnie d’eau détruit dans les quatre coins du monde des nappes phréatiques afin de vendre partout la même eau déminéralisée puis reminéralisée selon un standard défini par l’entreprise, sous le nom de PURE LIFE, là, il s’agit bien d’un simulacre.

C’est cet axe de réflexion qui guide l’exposition fALSEfAKES – VRAIFAUXSEMBLANTS. Il n’est pas étonnant que, dans ce contexte, la notion de « documentaire » dans le champ de la photographie soit malmenée. Il semble que nous soyons arrivés aujourd’hui à un point de rupture où la forme du documentaire montre ses limites quels que soient l’ordre économique ou esthétique. C’est dans un tel climat que l’on peut observer un intérêt accru chez les artistes pour des stratégies qui cultivent le vrai mais avec du faux, ou qui s’intéressent au faux avec une telle méticulosité, que nous sommes tentés de le considérer comme du vrai. Dans un monde où règne l’illusion, les photographes la captent comme les anciens documentaristes, sans que nous puissions, une fois devant l’image, faire le distinguo.

L’exposition fALSEfAKES – VRAIFAUXSEMBLANTS veut faire le point dans le domaine de la production d’images fixes, mais aussi de moindre manière dans le monde des images en mouvement, sur un phénomène qui dépasse de loin le chapitre esthétique.

fALSEfAKES – VRAIFAUXSEMBLANTS, en écho aux spéculations émises plus haut, proposera quantité de travaux d’artistes Suisses et Internationaux. L’exposition, qui constituera le noyau dur des 50JPG et occupera tous les espaces du Commun et du CPG sur 700 m2, fera par moments écho aux deux éditions précédentes, c’est-à-dire que nous y trouverons des problématiques traitées dans PHOTO-TRAFIC et/ou dans LA REVANCHE DE L’ARCHIVE PHOTOGRAPHIQUE. L’accrochage sera agencé de façon à ce qu’à première vue la confusion régnant dans nos sociétés soit reflétée par des juxtapositions d’œuvres dont le statut n’est pas vérifiable, et que seulement une deuxième lecture, facilitée par un guide imprimé, éclaircisse le visiteur sur la nature des pièces exposées."

Joerg Bader, commissaire de l’exposition