Eric Poitevin, l'homme naturel

L’exposition d’Eric Poitevin à la galerie Nelson Freeman suscite de nombreuses réflexions, tant cette œuvre, au fur et à mesure du temps, s’impose comme l'une des plus solides qu’il est donné de voir. Et qu’elle aborde l’un des grands sujet de l’époque: la nature. Devant les agencements d’images de corps aux frontières interrompues parfois, où la nudité – dans la suite des nus couchés de 2004 exposés au Plateau – est traitée sous une forme qui parvient à congédier les stéréotypes sans pour autant réduire la représentation à la singularité intime, le spectateur renouvelle son expérience de la relation aux Autres autant qu’à lui-même. La ponctuation dramatique instaurée par les crânes dans ces montages ou installations murales vous plonge sans ménagement dans une méditation sur la vanité de l’existence, ce à quoi l’œuvre de Poitevin nous a habitués depuis ces débuts. Le plus marquant dans ces assemblages d‘images est la présentation d’animaux, qu’il s’agisse du chevreau ou de l’anguille (figure du sacrifice, de la maternité, de la pénétration érotique ?) qui, en s’ajoutant aux crânes, à la question des âges de la vie (les modèles les illustrent) amplifie la dimension allégorique. A l’étage, l’impressionnant face-à-face des vues de forêts disposées tout hauteur comme des panneaux de paravent dialoguent avec deux diptyques scindant le branchage d’un arbre nu sous la neige. Au-delà des évocations japonistes, la notion de saisons, le rapport de la terre et du ciel, l’analogie des branches et des bois de cerf que l’artiste aime à photographier (le thème du trophée de chasse est central chez lui), on se souvient que les lieux fréquentés par Poitevin dans le nord de la France sont ceux qui ont été transformés par les batailles de la première Guerre mondiale, et qu'ils constituent une sorte de mémoire de l‘Histoire.

Ainsi, de l’étage au rez-de-chaussée, l’exposition établit la continuité de l’homme et de la nature. Cette question est anthropologiquement fondamentale dans les sociétés, elle n’a pu être réglée tout à fait par les théories du totémisme dont Claude Lévi-Strauss fit la critique. Elle est ici au centre de l’exposition – et peut-être de toute l’œuvre d’Eric Poitevin – comme une conjuration du dogme chrétien de la discontinuité de l’homme et de la nature.

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