L'événement: à la recherche du musée perdu

image Avec un millier de visiteurs le premier dimanche de son ouverture, l’exposition "L’Evénement, les images comme acteurs de l’histoire" au Jeu de Paume à Paris semble connaître un intérêt qui nous pousse dès aujourd’hui à réfléchir à la nature même du projet. A l’heure des levées de boucliers contre la marchandisation des musées qui témoigne pour le moins d’une histoire de l’art et d’une vision du métier de conservateur figées dans l’aristocratie et le dandysme d’un autre temps, une exposition comme celle du Jeu de Paume pose à son tour une question essentielle: les musées et les lieux d’exposition ne doivent-ils pas repenser leur rapport au savoir et tendre la main au monde de la recherche?

Le montage de l’Evénement s’est effectué avant tout à partir d’un groupe de chercheurs invités à divulguer le produit de leurs propres travaux, jouant ainsi un rôle de producteur et de médiateur de leur recherche. A l’évidence, ces deux métiers peuvent être dissociés, et l’on peut exceller dans l’un et s’avérer médiocre dans l’autre. Néanmoins le chercheur, comme le conservateur, ont beaucoup évolué depuis une génération, reléguant la figure de l’universitaire de cabinet bien loin derrière celle d’un savant citoyen, soucieux de récolter le fruit de ses efforts sur la scène culturelle. Alors, marchandisation de la recherche cette fois? Prostitution de matière grise financée par les universités? Question ridicule qui masquerait une volonté de ne pas toucher au marché de la vulgarisation, qui doit, de plus en plus, être réinvesti par les chercheurs en sciences humaines. Ce marché, qui s’est longtemps cantonné à l’édition spécialisée des manuels, doit désormais accompagner les publics et venir s’implanter dans les hauts lieux du patrimoine et de l’art. Les chercheurs, ces nouveaux "commissaires", par l'expérimentation de nouvelles manières de donner à comprendre leurs travaux, inventeront, de manière certes empirique, de nouvelles façons de nous donner envie de retourner au musée. Si l’exportation lucrative des collections nationales au bout du monde est un faux débat au regard de l’histoire même de nos institutions culturelles, l’importation de la recherche universitaire au coeur des musées ne doit plus être une exception mais alimenter régulièrement un marché intérieur qui, d’ici peu, trouvera aussi moyen d’exporter un savoir comme un faire au delà des frontières.